Nous vivons dans un monde de plus en plus flou qui glisse progressivement dans une logorrhée algorithmique, porte-étendard de l’ultralibéralisme.
Nos États ignorants et dépassés ne font plus le poids, face à cette marchandisation tous azimuts. Nous sommes devenus les seuls gardiens de notre intégrité et nous devons mettre beaucoup d’énergie à identifier, à éloigner toutes les tentatives de prédation qui mordent notre quotidien.
Le constat est troublant. Cette nouvelle réalité pousse à l’extrême la notion d’optimisation de la richesse. C’est devenu la seule loi et l’économie, la « première morale », très bien illustrée par les discours de certains dirigeants politiques et économiques. Tranquillement mais sûrement, ils prennent possession de ces derniers territoires libres de droits que sont nos âmes, pour monétiser ce qui fait notre différence, notre unicité. « Au-delà de la simple exploitation à ciel ouvert de nos vies intérieures intimes, ils transposent le contrôle total de la production initié par le capitalisme industriel à tous les aspects de la vie quotidienne ». (1)
En fins prédateurs, ils nous observent en triturant nos données, tapis dans l’ombre de nos passions. Ils savent très bien que nous sommes fragiles puisque nos identités s’alimentent et se fortifient à travers l’Autre. En semant le doute, en alimentant nos peurs, en utilisant des formules marketisées par de pseudo spécialistes, en créant des manques et des besoins à même nos cœurs endeuillés, ils nous vendent une certaine validation, une certaine reconnaissance. Cependant, cette reconnaissance, ces moments de félicité ne peuvent durer très longtemps.
Le profit ne tolère pas la satisfaction et encore moins le bien-être.
N’oublions pas, les prédateurs nous veulent du bien. Et là, est le problème.
Gérard-Charles Valente
(1) « The Age of Surveillance Capitalism » de la professeure émérite d’Harvard, Shosana Zuboff. Elle a récemment publié un essai qui résume admirablement sa pensée : https://www.theguardian.com/books/2019/feb/02/age-of-surveillance-capitalism-shoshana-zuboff-review